Apprendre le français en France
Enseigner le français L’actualité du FLE et du français dans le monde

La piste des représentations

Est-ce que montrer ce qui marche, mettre en avant les expériences réussies dans les conduites de cours suffit vraiment à vaincre les réticences vis à vis d’internet ? L’enthousiasme que tous les formateurs TICE et les professeurs “technophiles” partagent n’est pas forcément contagieux et au bout du compte, chacun, dans une certaine mesure, reste maître de la façon d’organiser ses cours, et c’est heureux !

Un certain blocage par rapport à ce qui est « technique » perdure chez certains profs de langues qui sont souvent issus des “humanités ” : les outils sont toujours des corps étrangers. On ne veut pas regarder comment ça marche, on a un certain mépris pour le bricolage, qui est pourtant l’essence du métier d’enseignant de langues qui prélève, juxtapose, copie, colle, mélange pour animer ses cours.

Et puis il y a cette réticence à montrer ce que l’on fait en cours, soit que l’on a peur, que l’on manque de confiance en soi, soit que l’on préfère garder une certaine intimité dans sa classe qui semble nécessaire à un enseignement serein ( le regard des autres, collègues ou institution, étant perçu comme une pression, ou un contrôle).

Comment faire en sorte que les enseignants prennent plaisir et trouvent naturel de s’aider d’outils numériques pour enseigner ? Comment les inciter à partager davantage leurs idées, à montrer leur créativité, à organiser les échanges à l’air libre ?

Les sécuriser sur leurs compétences

Le journal THOT de la semaine du 6 avril 2011 explorait la piste du développement des compétences technopédagogiques des enseignants par les tests et les certifications : Brevets et certificats TIC : que valent-ils ?

C’est une piste fonctionnelle, modeste, qui ne prend pas en compte les personnes dans leur totalité et c’est son mérite : elle n’agresse pas. Mais c’est aussi une piste un peu normative, qui correspond à une obsession de l’évaluation, et qui paradoxalement réintroduit du behaviorisme à une époque où le constructivisme semble avoir gagné du terrain.

Le C2i enseignant est assez méconnu dans le milieu du FLE, comme j’ai pu m’en rendre compte lors du Forum. Rappelons quand même qu’il va devenir obligatoire en France pour tout futur enseignant dès la prochaine rentrée. Son principal intérêt est de fournir un référentiel de compétences et des ressources d’auto-formation comme le site de formation C2imes.

Le site officiel du C2i propose un autotest bâti sur un référentiel en 9 points et permet de se faire une idée des compétences couvertes. Le C2I Enseignant ne s’adresse pas aux formateurs d’adultes, ni aux formateurs à distance et mériterait à ce titre une adaptation pour les enseignants de centres de langues . Il ne semble pas raisonnable de demander à des enseignants déjà en exercice de se former de cette façon aussi exhaustive et mécaniste. Il y a un chantier intéressant à mon avis sur une adaptation contextualisée et allégée de ce référentiel.

Les faire réfléchir sur leurs postures pédagogiques

Plus intéressant semble la démarche d’un outil néerlandais de positionnement individuel ICT assessment tool, qui lui part des représentations qu’ont les enseignants de leur pratiques, des situations de classe dans lesquelles ils se sentent à l’aise et de leurs croyances sur ce qu’est un “bon enseignement”. Pour ceux que la lecture en anglais ne rebute pas, l’expérience de ce test d’auto-évaluation est très “instructive”, si ce vieux terme ne vous gêne pas ! Cet outil met au premier plan trois postures pédagogiques, trois façon de concevoir l’enseignement : le transfert, l’interaction, la construction qui correspondent plus ou moins à la pédagogie traditionnelle transmissive, à la pédagogie communicative et à le pédagogie de projet, constructiviste.

Une réflexion sur la diversité des pratiques amène forcément à la question de savoir si on veut les changer… ou pas. Elle amène surtout à une analyse des contextes qui font que tantôt une approche sera pertinente, tantôt elle sera inadaptée. Il faudrait peut-être cesser de renvoyer systématiquement toute pratique non innovante à une pratique inavouable. Là encore, un certain climat de confiance entre collègues peut aider chacun à tester d’autres voies que celles que l’on connait, à son rythme. En ce sens, la promotion massive des bonnes pratiques avec les TICE, qui hurle fort, qui sature le champ d’informations de l’enseignant, risque d’étouffer dans l’œuf tout questionnement sur le pourquoi et le comment de ce que l’on fait en classe, ici et maintenant.

Retour à Socrates, encore et toujours, du basique : qu’aimez-vous faire dans votre métier ? Qu’est-ce qui vous plait ? Et si tel outil pouvait vous aider à faire tel type d’activité avec vos élèves ou étudiants ?