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A lire dans Le Français dans le monde mars-avril 2021

Professeurs de FLE en France : des conditions toujours plus difficiles

Créée par des professeurs afin de faire entendre leur voix, la page Facebook Stop précarité FLE en France a déjà recueilli de nombreux témoignages sur les difficultés rencontrées par les professeurs de FLE dans l’Hexagone.

À ce jour, ils sont quelque 750 professeurs rassemblés sous la bannière "Stop précarité FLE en France", lancée sur Facebook, pour échanger sur leurs heurs et malheurs. L’occasion de faire un état de lieux sur les conditions d’exercice du métier en donnant la parole aux principaux intéressés.

”Quand nous avons décidé de créer la page, précise Stéphane, l’un de ses administrateurs, le premier objectif était de pouvoir échanger sur nos conditions de travail, nos contrats, nos rémunérations. L’idée est de monter une association ou fédération qui pourrait avoir une vraie reconnaissance au niveau national, en particulier auprès des pouvoirs publics (ministère du Travail, ministère de l’Éducation nationale…) et faire ainsi bouger les lignes.

Si les réseaux sociaux facilitent aujourd’hui la communication et permettent en un clic de rassembler une communauté soudée autour de problématiques communes, la question de la précarité des enseignants de FLE ne date pas d’hier.

"Cela fait longtemps que je travaille dans le secteur, souligne pour sa part Jacqueline Baudru, également enseignante de FLE. J’ai toujours connu les mêmes récriminations. Les nouveaux découvrent en travaillant combien c’est précaire, qu’ils ne pourront pas rester dans la même ville tout le temps, qu’ils perdront leurs avantages sociaux (sécurité sociale, retraite, chômage…) quand ils partiront à l’étranger et devront repartir à zéro à leur retour en France ! Je ne comprends pas pourquoi les universités continuent à proposer des formations FLE s’il n’y a pas à la clé des emplois pérennes rémunérés correctement !”

Une image et un statut trop flous

Généralement employé par un organisme de formation, privé ou à statut associatif, une école de français langue étrangère ou encore une université, le formateur de FLE en France peut rarement prétendre à de forts émoluments et devra se contenter en dépit d’un niveau d’études bac + 4 (Master1) ou + 5 (Master 2) d’un salaire moyen très moyen (11,26 euros de l’heure selon talent.com).

Sans compter les CDD ou même les CDU (Contrat à durée déterminée d’usage) très souvent proposés en lieu et place d’un CDI, qui reste l’exception plutôt que la règle.

"Je travaille pour un organisme de formation avec des migrants, raconte Stéphane, et j’adore mon métier. Mais je trouve qu’il y a un trop grand décalage entre les compétences exigées, a minima un Master FLE, la fiche de poste qui intègre une partie non négligeable de tâches administratives et de responsabilités, pour un salaire dérisoire.”

Julie a enseigné pour une Alliance française dans le sud de la France et témoigne du même désappointement."J’étais payée 10,67 euros bruts de l’heure pour 22 heures hebdomadaires. J’ai eu 2 CDD consécutifs sans espoir finalement d’être embauchée en CDI, c’est pourquoi j’ai quitté l’AF.

C’était pourtant une expérience pédagogique très satisfaisante, l’ambiance était bonne, le travail intéressant, mais je ne voyais aucune évolution professionnelle possible. J’ai préféré partir et j’enseigne maintenant en auto-entrepreneur. Je peux facturer entre 20 et 30 euros de l’heure selon les publics.

Je ne devrais pas le dire mais heureusement que je suis mariée, sinon je ne sais pas comment je vivrais de mon métier. Mais je reste toujours passionnée et optimiste, on n’a pas réussi à m’écoeurer de la profession ! »

Manifestement, la fonction occupée par l’enseignant de français langue étrangère souffre en France d’un défaut de reconnaissance lié à une méconnaissance de la spécificité du métier. "Même au sein des centres de formation, souligne Jacqueline Baudru, beaucoup de personnes ignorent ce qu’est le FLE et notre niveau pédagogique."

Une image floue pour un rôle qui est pourtant essentiel à la société en permettant d’une part une meilleure intégration des migrants, et d’autre part en faisant connaître et donnant une bonne image de la France et de sa culture auprès d’un public d’apprenants étrangers dans les universités, grandes écoles ou écoles de langue, Alliance française ou autres.

Autant de valeurs défendues par les initiateurs de "Stop précarité FLE en France"
qui envisagent aussi la rédaction d’une pétition à envoyer aux pouvoirs publics afin de faire connaître leurs conditions d’emploi effectives et réclamer un meilleur traitement collectif. [...]


Extrait d’un article de Sophie Patois
à lire dans son intégralité dans Le Français dans le monde mars-avril 2021

Article à venir : quelles propositions pour répondre à la précarité des enseignants de FLE en France ?