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Les programmes américains en France tournent presque à vide

L’année a des allures de crash-test pour la soixantaine d’établissements d’enseignement supérieur publics et privés américains qui opèrent en France.


Article publié sur LeMonde.fr en date du 4 novembre (extraits) :

Selon les chiffres du Quai d’Orsay, le nombre de visas accordés à des Américains pour étudier en France a chuté de 70 % entre 2019 et 2020, sur la période allant de janvier à octobre. En temps normal, d’après les données de l’Institute of International Education, les universités américaines envoient 17 000 étudiants en échange universitaire en France chaque année, que cela soit dans des établissements français ou dans leurs antennes délocalisées.

"Go local", proclame désormais New York University (NYU) sur son site web. Depuis le début de l’année, son antenne du boulevard Saint-Germain, à Paris, l’un des 14 centres universitaires mondiaux de l’université de Greenwich Village, est quasi déserte. "On a cette année dix fois moins d’étudiants, et ceux qui sont là sont pour l’essentiel des Européens et des Américains binationaux, ou qui étaient déjà présents à Paris", précise Alfred Galichon, directeur de NYU Paris.

Le campus, qui accueille chaque année 350 étudiants, appliquait jusqu’à la semaine dernière les consignes strictes imposées par la maison mère new-yorkaise : 2 mètres entre chaque étudiant, questionnaire santé à remplir chaque jour, prise de température à l’entrée, pas plus d’une personne dans l’ascenseur… Désormais, les cours ont totalement basculé à distance.

Programmes annulés

L’antenne parisienne de Columbia, à deux pas de Montparnasse, assurait déjà ses cours en ligne depuis la rentrée. Avant le deuxième confinement, le site accueillait les étudiants résidant à Paris et qui souhaitaient « avoir un espace de travail », dit Brunhilde Biebuyck, sa directrice. Soit, « pour l’instant, une cinquantaine d’étudiants » – contre 600 par an en rythme de croisière. « Tous les programmes de “study abroad” ont été annulés par les universités américaines qui nous envoient normalement leurs étudiants », constate la directrice, qui pense « qu’un grand nombre de ces programmes » seront également annulés au semestre de printemps.

« Nous ne sommes pas dans une année blanche », tempère Sébastien Greppo, responsable administratif de l’antenne de l’université de Chicago à Paris. Elle avait rouvert le 1er septembre avec 24 étudiants sur les 75 prévus, « ce qui n’est pas trop mal, vu les incertitudes sur les autorisations de voyage, qui n’ont été levées que vers la fin août ». Une partie des étudiants sont « des Européens qui auraient dû partir à Chicago mais qui n’ont pas pu pour des raisons de visa ». Dans l’antenne parisienne de Boston University, Renée Pontbriand, directrice exécutive, compte, « pour l’heure, quatre étudiants américains en tout et pour tout ». Quant aux cursus en alternance, dont la filiale parisienne s’est fait la championne, multipliant les partenariats avec des entreprises françaises ou installées en France, ils sont au point mort. « On ne va pas faire venir des étudiants en France pour qu’ils se retrouvent en télétravail… »

"Paris est une cité incontournable"

La destination France survivra-t-elle à ses confinements à répétition ? « Paris est une cité incontournable », pour Brunhilde Biebuyck. La responsable de Columbia Paris souligne que ses étudiants « ne viennent pas seulement ici pour étudier la France éternelle, son histoire, sa culture, sa langue… Ils viennent pour s’ouvrir au monde entier ».

L’université de Chicago, après avoir hésité entre Londres, Paris et Berlin, a elle-aussi choisi la Ville Lumière. « Nous avons une stratégie forte sur l’Europe, et Paris y joue un rôle capital », rappelait en février Robert Morrissey, directeur exécutif du projet France Chicago Center, à l’université de Chicago. Il s’apprêtait à venir lancer le grand déménagement du petit campus parisien, ouvert en 2003 avec l’aval du Quai d’Orsay, dans un immeuble flambant neuf, à deux pas de la Bibliothèque François-Mitterrand. Un projet plus que jamais à l’ordre du jour, d’ici la rentrée 2021.

Raymond Bach est plus dubitatif. « La France n’est plus une étape obligatoire pour ceux qui veulent étudier à l’international », affirme le directeur du Syracuse University Strasbourg Center. L’antenne française de l’université de cette ville de l’Etat de New York (qui compte 20 000 étudiants), s’est depuis longtemps tournée vers l’Europe, rappelant sur son site que la ville qui héberge le siège du Parlement européen, du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l’homme, « se trouve à 10 minutes de vélo de l’Allemagne »… Le site reçoit chaque année « une soixantaine d’étudiants américains, dont un quart viennent de Duke, Johns Hopkins, George Washington University, ou de plus petites universités qui nous confient leurs étudiants en quête d’international… »

Georgia Tech, l’université d’Atlanta, a aussi fait de son implantation de Metz, Georgia Tech Lorraine, créée en 1990, son campus européen. Ses quelque 700 étudiants viennent y chercher « des diplômes américains pas français », dit son directeur Abdallah Ougazzaden.

Quant à l’université américaine de Paris, AUP, elle mise sur sa double nationalité pour passer le cap sans trop de dégâts. Immatriculée dans l’État du Delaware, elle est domiciliée à Paris et délivre à ses 1200 étudiants (dont 16 % de Français) des diplômes estampillés par la Middle States Commission on Higher Education, l’agence d’accréditation de l’enseignement supérieur aux États-Unis. « Nous pourrions dire que tous nos étudiants sont en study abroad, plaisante la dean d’AUP Celeste M. Schenck. On a même des Américains qui n’ont jamais mis les pieds aux Etats-Unis ! »

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