Les entretiens de l’Ecole communautaire : Julie et le théâtre
Julie est actuellement prof de FLE dans un institut linguistique à Nice. Titulaire d’un master FLE de l’université de Rouen, elle a enseigné en France, Angleterre, Indonésie et Australie. Elle a commencé le théâtre à 11 ans et en a fait pendant 12 ans.
Le projet mené au CCF de Bandung était un atelier de pratique artistique mélant musique, danse, chant et surtout théâtre et regroupant les apprenants de français volontaires des universités et du CCF de Bandung.
1. Julie, peux-tu nous présenter le projet théâtral que tu as mené au CCF de Bandung, et en décrire le déroulement ?
J’ai proposé au directeur du CCF de Bandung de mettre en place un atelier de pratique artistique tous les lundis soirs pendant 2h dans la salle de spectacle du Centre. Mon projet était de créer une petite troupe amateur et de proposer un spectacle à la fin de l’année scolaire. L’atelier était ouvert à tous les étudiants de français de Bandung, qu’ils soient du CCF ou non. Je me suis retrouvée avec une dizaine de jeunes, pour la plupart débutants. J’ai aussi reçu de l’aide d’une amie et collègue française pour la promotion de l’atelier et sa « production » et une autre amie française à fait partie de la troupe. Le niveau de français plutôt faible des apprenants ne me permettait pas de jouer une vraie pièce dans sa totalité. Nous avons donc choisi un thème : l’amour, et nous l’avons décliné sous toutes ses formes dans différentes scénettes. La musique et le chant tenaient aussi une place importante car la plupart des apprenants avaient de nombreux talents artistiques. Le CCF m’a accordé un article dans son magazine pour faire la promotion du spectacle et des fonds m’ont été alloués pour créer une affiche, des t-shirts et des accessoires. Après 7 mois de répétitions nous avons joué devant une salle comble et le public indonésien semblait conquis malgré l’aspect inhabituel de notre pièce.
2. Quelles difficultés as-tu rencontré lors de la mise en place de ce projet théâtral ?
Ma plus grande difficulté concernait le niveau des apprenants, A2 pour la majorité. Il y a souvent eu des quiproquos et des fous-rires liés à la langue. De plus, aucun d’eux n’avait pratiqué le théâtre auparavant et il fallait leur enseigner les bases. Il s’agissait d’un réel défi pour moi qui n’avait jamais eu à mettre en scène et diriger. A un moment j’ai cru tout abandonné de peur que le résultat soit passable mais les apprenants ont fait preuve d’une grande motivation et d’un investissement qui m’a à la fois touchée et remotivée.
3. Quelles en sont les richesses d’après toi ?
Le théâtre étant une de mes passions, je ne vois que des avantages à l’intégrer dans mon enseignement. Mais l’intérêt est bien réel pour les apprenants qui se voient entrer dans une situation concrète, en dehors de la classe. L’interaction est mise en valeur et l’apprenant se retrouve acteur au sens propre mais aussi acteur de son apprentissage. Indirectement, dans une tâche qui n’est pas celle d’apprendre la langue, il va assimiler une grande quantité de connaissances et de compétences sans même le réaliser, en s’amusant. De plus, sa production orale s’en voit nettement améliorer ainsi que sa phonétique car au théâtre il est essentiel de parler fort et intelligiblement. Enfin la timidité ou l’inhibition disparaissent vite quand il se prend au jeu et par la suite, en classe, il prendra plus spontanément la parole. Enfin, le fait d’avoir des étudiants de différentes écoles et universités mais aussi différents niveaux a donné une bonne dynamique à ce groupe qui est devenu soudé et a vu se créer des amitiés très fortes.
4. Aurais-tu quelques conseils à donner aux profs désirant se lancer dans la mise en place d’un projet théâtral en classe ?
Mon conseil serait avant tout d’être animé d’une passion et aussi d’avoir quelques bases concernant le théâtre, le jeu, la mise en scène. Il faut amener le texte et le jeu d’acteur petit à petit pour ne pas effrayer les apprenants, donc commencer plutôt par des jeux sans paroles, des exercices de concentrations et de cohésion et des minis jeux de rôles. Il est bon de faire participer les apprenants au travail de mise en scène : choix de la pièce, conseils sur le jeu, les décors, les costumes etc. C’est un projet de longue haleine et il faut être organisé et ne pas avoir peur des heures passées à le préparer. Cependant, la satisfaction est grande quand on voit le résultat, le spectacle réussi, la joie des apprenants, leurs progrès souvent impressionnants et le chemin parcouru ensemble, comme une équipe