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Le jeu : quelques pistes pour un art pédagogique difficile

"Jouer et apprendre, c’est un peu la même chose". Le raccourci est assez courant depuis quelque temps, et on se préoccupe assez peu de savoir, dans cet engouement général pour tout ce qui est ludique, quel rapport chacun d’entre nous entretient avec le jeu d’une part, et l’apprentissage d’autre part.

Soyons clair, tout part des meilleures intentions des pédagogues enthousiastes et joueurs : depuis plus d’un siècle on ne cesse, depuis Frobel et ses jardins d’enfants, et bien avant si on veut faire remonter l’histoire du jeu en pédagogie à Rabelais et Rousseau, on ne cesse de montrer que le jeu n’est pas qu’une activité de fin d’année, la petite cerise sur le gros gateau compact à avaler sans faim de l’école ou de l’université, et qu’il est au contraire un élément moteur de l’apprentissage.

Du jeu léger au jeux sérieux

Dans le domaine des langues et du FLE particulièrement, le jeu est une modalité d’apprentissage déterminante, que la plupart des enseignants utilisent dans l’organisation des activités qu’ils proposent à leurs classes. Rares sont les réfractaires ronchons tristes et coincés qui n’y font pas appel. Proposer une petite devinette, commencer un cours par une activité brise-glace amusante, donner des mots croisés, préparer des jeux de rôle sur des canevas connus, tout le monde le fait. Monter des conférences en simulation, organiser des concours de parodies, impliquer les étudiants dans de véritables scénarios ludiques est plus rare. Quand le jeu devient vraiment sérieux, des facteurs complexes entrent en scène et la peur de l’enseignant de perdre le contrôle de sa classe, de perdre du temps entrent en scène.

Jouer et apprendre : même scénario ?

Jouer et apprendre, non, ce n’est pas tout à fait la même chose. On peut avoir beaucoup de plaisir en jouant mais on n’apprend pas spécialement en jouant, on apprend en parlant, en réfléchissant sur ce qu’on a fait en jouant, lors de ce qu’on appelle le "débriefing" ou la phase de restitution. Dans tout atelier ludique ou créatif, c’est souvent la phase sacrifiée parce qu’elle nécessite de très grandes compétences de l’animateur enseignant : dans sa séquence pédagogique il doit avoir prévu suffisamment de temps pour les questions, la prise de note et imaginer des outils pour fixer ce qui a été expérimenté par chacun. Il lui faut de grandes qualités d’écoute et de synthèse.

André TRICOT explique en quoi le métier d’enseignant peut s’apparenter à celui de concepteur de jeu sérieux. Comme le concepteur de jeu, l’enseignant doit être clair sur les objectifs d’apprentissage, très rigoureux sur la définition et la progression des tâches, précis sur les moyens d’accomplir ces tâches et soucieux de régulation. Qu’est-ce que réguler ? C’est prendre en compte les informations que je reçois de l’apprenant pour adapter le cours. Rendre un cours" interactif" ce n’est pas seulement le rendre motivant pour l’apprenant parce qu’on sollicite son action, mais c’est aussi et surtout le faire évoluer selon les réponses, les impulsions de l’apprenant.

Pour être accepté par les enseignants, les jeux doivent être dotés d’un système d’évaluation et d’un outil de suivi des élèves. Or c’est rarement le cas...

Le jeu et l’apprentissage c’est même combat" pour André Giordan. "Dans toutes les civilisations on apprend en jouant". Il en donne la preuve en citant Rabelais, Rousseau, Dewey, Pestalozzi, Decroly. Mais aussi Mme de Genlis, la préceptrice du futur Louis-Philippe, Jeanine Girard, créatrice de jeux éducatif au début du XXème siècle. Et en présentant de nombreux jeux : jeux détournés pour les apprentissages, jeux de rôles pour faire passer des concepts (le jeu des méioses et des mitoses par exemple !). Pour A. Giordan, le jeu est un outil par exemple pour motiver. Il ne suffit pas pour apprendre. Pour apprendre, d’autres paramètres entrent en compte. Le jeu peut même détourner du contenu.

Conférence d’André Giordan