Apprendre le français en France
Enseigner le français L’actualité du FLE et du français dans le monde

Lire les chercheurs

La revue "Recherches et applications" du "Français dans le monde"est une revue de chercheurs en didactique des langues que tout étudiant de français langue étrangère ou tout enseignant se doit de connaître. Il est regrettable que dans le rythme de travail effréné qui et souvent celui du prof de FLE, si peu de place soit accordée à la lecture d’articles de recherche en didactique des langues.

La faute en revient parfois aux chercheurs eux-mêmes qui ne savent pas toujours communiquer les résultats des données qu’ils recueillent, qui n’ont pas le talent d’accommoder la langue universitaire pour un plus large public et pas vraiment le sens du mélange de références précises et rigoureuses avec quelques anecdotes bien senties. Une démarche scientifique, le maniement de concepts propres à une discipline n’impliquent pas des textes abscons.
La simplicité est la plus difficile des qualités de celui qui écrit comme de celui qui enseigne !

Le dernier numéro de "Recherches et applications" semble faire un pas en direction de la vulgarisation bien comprise en analysant les mutations technologiques et les nouvelles pratiques sociales et didactique des langues.

Christian Ollivier et Laurent Puren, auteurs bien connus de l’ouvrage "Web 2.0 en classe de langues" aux éditions Maison des langues (2011) sont les responsables éditoriaux de ce numéro dont ils assurent l’introduction : "L’ouverture au-delà des murs de la classe du fantasme à la réalité".

Ouvrir la classe de langues au monde réel, à la véritable expérience de la conversation ou de l’écriture en situation : c’est une belle promesse qu’Internet n’a pas tenue et les deux responsables éditoriaux expliquent ce constat par la difficulté à trouver sur internet des tâches qui ne soient pas "scolaires" et qui soient vraiment inter-actionnelles, qui sortent l’apprentissage de cet espace protégé de la classe.

Parmi la douzaine d’articles que contient ce numéro nous retiendrons trois articles particulièrement intéressants.

  • Internet social et perspective actionnelle
    François Mangenot analyse quelques pratiques sur le web social (de Facebook, Twitter à "World of Warcraft" en passant par Wikipédia), entre apprentissage formel et informel, et essaie d’en dégager des conséquences didactiques : relégation de la tâche au second plan, difficulté d’évaluation, difficulté pour les enseignants à accompagner sans "casser l’ambiance". De manière générale, comment faire de la "didactique invisible".(p.41)
  • Technologies éducatives et perspectives actionnelles : quel avenir pour les manuels de langue ?
    Le manuel de Français langue étrangère, la bonne vieille méthode est-elle en voie de disparition ? C’est la question que pose Christian Puren. Non, le manuel de FLE ne disparaîtra pas avec le numérique parce que son rôle est un rôle de premier plan, celui de proposer "du prêt à enseigner-apprendre- évaluer. (p.122)
  • Manuels de FLE et numérique : le mariage annoncé n’a pas encore eu lieu ?
    Nicolas Guichon et Thierry Soubrié s’intéressent à l’intégration du numérique dans les manuels de français langue étrangère et ont mené des entretiens avec cinq éditeurs du domaine. Ils ont cherché à savoir si l’intérêt croissant manifesté par les éditeurs pour le numérique se traduisait concrètement par une approche nouvelle en terme de réflexion didactique et de mise en oeuvre pédagogique. Très sévères vis-à-vis de tout ce qui a été tenté jusqu’ici, ils parlent de " frilosité et d’attentisme"et ne voient dans les stratégies éditoriales qu’un "discours d’affichage". Les sites compagnons des manuels ne proposent encore la plupart du temps que des batteries d’exercices interactifs et ne ménagent pas des moments d’échanges entre apprenants. Les deux pistes qu’ils donnent pour un changement d’approches peuvent se résumer ainsi :
    - Pratiquer le détour et la récupération d’activités sociales permises par internet hors de l’école ou de l’université. Les acteurs et concepteurs de manuels doivent faire preuve de plus de créativité et intégrer des outils qui appartiennent à la culture numérique de tous les jeunes aujourd’hui.
    - Concevoir des activités qui font intervenir directement les apprenants dans un espace social ouvert et les mettent en relation avec d’autres individus que leurs collègues de classe et que leur enseignant, qui mènent à de véritables productions multimédia.(p.131)
    On trouvera cet article sur le site d’archives ouvertes HAL.

Le dernier article "L’ingénierie linguistique : des technologies au service d’une didactique de la cognition" de Henri Portine ne manquera pas de déconcerter. Un certain nombre d’habitudes de pensées y sont bousculées. Portine y remet d’abord en question l’expression "TICE" qui n’est plus adaptée selon lui à une optique "communicative-cognitive"et propose le terme d’ingénierie linguistique" pour l’activité du chercheur en didactique des langues qui doit aujourd’hui maitriser les outils.

"Le chercheur en didactique des langues doit aujoud’hui s’approprier des outils techniques autrefois réservés au technicien."

La didactique des langues est un domaine où la littératie des chercheurs est loin d’être acquise, c’est le moins qu’on puisse dire, et le plan sur la comète du web 3.0 est certes passionnant mais assez peu en rapport avec les réalités de terrain . "Les blogs et autres outils contenus dans les plates-formes de formation sont aisément mobilisables dans les pratiques pédagogiques, même s’il reste beaucoup à faire" dit Henri Portine. Oui, il reste beaucoup à faire justement parce que les outils les plus simples ne sont pas souvent mobilisés dans les pratiques pédagogiques et la recherche pourrait aussi se demander pourquoi ! Un chercheur en didactique des langues n’enseigne-t-il pas encore bien souvent commme il y a un siècle ?

Isomorphisme, ce n’est pas le mot qu’a employé Marcel Lebrun ?

Recherches et Applications n°54